lundi 28 janvier 2008
lundi 21 janvier 2008
Le Vent
**************************************
Le vent qui impose une forme aux arbres
Le vent
Sur le bruyère longue infiniment,
Voici le vent cornant Novembre;
Sur le bruyère infiniment,
Voici le vent
Qui se déchire et se démembre,
En souffles lourds, battants les bourgs,
Voici le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Au puits des fermes,
Les seaux de fer et les poulies
Grincent;
Aux citernes des fermes,
Les seaux et les poulies
Grincent et crient.
Le vent rafle, le long de l'eau,
Les feuilles mortes des bouleaux,
Le vent sauvage de Novembre;
Le vent mord, dans les branches,
Des nids d'oiseaux ;
Le vent râpe du fer
Et précipite l’avalanche,
Rageusement, du vieil hiver,
Rageusement, le vent,
Le vent sauvage de Novembre.
Dans les étables lamentables,
Les lucarnes rapiécées
Ballottent leurs loques falotes
De vitres et de papier.
Le vent sauvage de Novembre!
De bas en haut, à travers airs,
De haut en bas, à coup d'éclairs,
Le moulin noir fauche, sinistre,
Le moulin noir fauche le vent,
le vent,
le vent sauvage de Novembre.
Les vieux chaumes, à cropetons,
Autour de leurs clochers d'église,
Sont ébranlés sur leurs bâtons;
Les vieux chaumes et leurs auvents
Claquent au vent,
Au vent sauvage de Novembre;
Les croix du cimetière étroit,
Les bras des morts que sont ces croix,
Tombent, comme un grand vol
Qui se rabat contre le sol.
Le vent sauvage de Novembre,
Le vent,
L'avez-vous rencontré le vent,
Au carrefour des trois cents routes?
L'avez-vous rencontré le vent,
Le vent des peurs et des déroutes;
L'avez-vous vu, cette nuit-là,
Quand il jeta la lune à bas,
Et que, n'en pouvant plus,
Tous les villages vermoulus
Criaient, comme des bêtes,
Sous la tempête?
Sur la bruyère, infiniment,
Voici le vent hurlant,
Voici le vent cornant Novembre.
Emile Verhaeren